La mort du colonel Marcel Ntsourou a déclenché à Brazzaville un vent de panique et de psychose. Et pour cause, bon nombre de Brazzavillois craignaient que l’annonce du décès de celui qui fut l’un des fidèles du président Denis Sassou-Nguesso ne vire à l’affrontement entre Téké et Mbochi. Les habitants de la capitale congolaise se souviennent encore du violent et traumatisant combat qui avait opposé l’armée aux hommes de Ntsourou le 16 décembre 2013 à sa résidence sise au centre-ville.
Ce jour-là, plusieurs unités et blindés de la garde républicaine avaient pris la direction de la résidence du colonel. Ce dernier s’y était retranché avec sa famille ainsi que ses hommes. S’en est suivi un violent échange de tirs. Terrifiés par les tirs à l’arme lourde, les Brazzavillois s’étaient barricadés chez eux en ayant l’amer souvenir des deux atroces guerres civiles qui ont frappé le pays.
Joint par téléphone par RFI au milieu de la fusillade, Marcel Ntsourou avait réaffirmé toute sa détermination à aller jusqu’au bout, donc de ne pas se rendre et d’y laisser la vie s’il le fallait.
Mais il n’en fut rien. En effet, au sortir d’un affrontement qui aura duré 4 heures, le téméraire Ntsourou finit par abdiquer. Les combats d’une rare violence ont laissé derrière eux un paysage apocalyptique. En effet, au terme des combats la maison de Marcel Ntsourou s’est retrouvée criblée d’impacts de balles avec la cour jonchée de corps baignant dans leur propre sang.
Selon les autorités, une quarantaine de miliciens et deux membres des forces de l’ordre ont perdu la vie lors des affrontements.
L’annonce de la mort du colonel fait craindre de nouveaux affrontements et l’armée a dû être déployée dans certaines artères de Brazzaville. Craignant des troubles, les commerces ont rapidement fermé.
La rivalité entre les Mbochi et les Téké est au cœur de cette vague de l’emprisonnement de l’ancien secrétaire adjoint du Conseil national de sécurité. Les ressortissants tékés accusent régulièrement le président congolais, issu de l’ethnie Mbochi, de vouloir reléguer au second plan les cadres de leur communauté. Les meilleurs postes au sein de l’administration reviennent presque systématiquement aux ressortissants de « l’ethnie présidentielle ».
Dans un discours donné à l’occasion de son anniversaire, la veille de son arrestation, l’ancien commandant en second du Conseil national de sécurité (CNS), s’est plaint du fait qu’il n’avait pas été promu à cause de son appartenance à l’ethnie Téké.
Après l’arrestation du colonel Marcel Ntsourou en décembre 2013, les cadres téké étaient montés au créneau pour dénoncer le complot dont aurait été victime l’un des leurs.
Second groupe ethnique au Congo, mais également présents dans le sud-est du Gabon et en République Démocratique du Congo, les membres de l’ethnie Téké se disent oppressés et avanies par les Mbochi. Le camp présidentiel en tête duquel Jean-Dominique Okemba, neveu du président et haut cadre politique Mbochi, est régulièrement accusé de vouloir annihiler les Téké.
Pour de nombreux observateurs avisés, Denis Sassou-Nguesso éprouve le désir profond d’avilir les Tékés. Le locataire du Palais du Peuple souhaite « régner » en maître sur le royaume traditionnel des Tékés pour devenir le chef incontestable du nord du pays. Pour preuve, Denis Sassou-Nguesso s’était personnellement investi pour influencer et semer le trouble lors de l’élection du 17e Makoko, le roi des Téké.
Le 16 octobre 2004, c’est Auguste Nguempio, un retraité, aujourd’hui âgé de 90 ans, qui est investi par ses pairs comme roi des Téké. Avant l’investiture du roi, un nombre insignifiant de « grands électeurs » s’était désolidarisé du collège traditionnel qui devait désigner le nouveau souverain.
À la surprise générale, les frondeurs ont investi leur « propre roi » en la personne de Maurice Intsilambia. Chose curieuse, le gouvernement congolais s’était empressé de reconnaître ce dernier comme étant le roi légitime des Téké. Autre fait troublant, son intronisation s’est faite en la présence du ministre de la Culture de l’époque, Jean-Claude Gakosso. Pourquoi le gouvernement congolais a-t-il préféré légitimer le camp des frondeurs au lieu de celui d’Auguste Nguempio soutenu par une majorité écrasante de Téké ?
D’aucuns affirment sans sourciller que les dissidents ont reçu le soutien et l’appui financier de Denis Sassou-Nguesso qui voulait placer l’un de ses pions à la tête de la communauté Téké pour en tirer pleinement profit.
Outrés par cet acte de dissidence, les Téké ont accusé Denis Sassou-Nguesso d’immiscions dans leurs affaires. Ils ont dénoncé le fait que le président congolais veuille faire main basse sur leur communauté en la fragilisant et en la divisant. Stratégie qui lui permettrait d’étendre davantage son influence.
Le colonel Marcel Ntsourou est tombé en disgrâce après les événements du 4 mars 2012, avec l’explosion du dépôt d’armes et de munitions de Mpila. Le pouvoir l’avait rapidement désigné comme étant l’instigateur de ce que beaucoup au sein du camp présidentiel avaient qualifié d’attentat et de haute trahison.
L’ancien fidèle de Denis Sassou-Nguesso, a joué un rôle déterminant dans le retour au pouvoir de ce dernier en 1997. Il s’y était tellement investi qu’il avait été désigné comme l’un des principaux responsables dans l’affaire des disparus du Beach, une sordide affaire de tuerie collective de plus de 350 personnes revenues d’exil en 1999. Au sortir d’un procès tenu en 2005, il avait été acquitté aux côtés de plusieurs hauts gradés de l’armée et de la police congolaise.
Dans une déclaration rendue officielle hier soir par le Procureur de la République du Congo, André Oko Ngakala, on y apprend que Marcel Ntsourou était détenu à la Maison d’arrêt centrale de Brazzaville où il purgeait sa peine à perpétuité pour rébellion, détention illégale d’armes de guerre et de munitions, assassinat, coups et blessures volontaires et association de malfaiteurs.
C’est son codétenu, par ailleurs son neveu, Franck Mbani qui a donné l’alerte aux environs de 11 heures en ce vendredi 17 février 2017. Son oncle venait de faire un malaise et vu son état jugé grave, les responsables pénitentiaires ont décidé de le transférer à l’hôpital central des armées Pierre Mobengo de Brazzaville. C’est dans l’enceinte de l’hôpital qu’il a été déclaré officiellement mort.
Le Procureur de la République a décidé d’ouvrir une enquête afin de déterminer les causes et les circonstances de la mort de Marcel Ntsourou. Il a également annoncé dans sa déclaration que Franck Mbani sera rapidement auditionné par la police judiciaire.
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