réalité ou coup de pub ?

admin Last updated on: March 31, 2023

La vague d’arrestations de hautes personnalités à laquelle assistent les Gabonais depuis quelques jours est inédite. Au cours de la semaine écoulée, deux anciens  ministres ont en effet été mis aux arrêts, à savoir Magloire Ngambia, plusieurs fois ministres  et  récemment nommé conseiller spécial  du président Ali Bongo, et Étienne Ngoubou, fraîchement écarté du ministère des hydrocarbures ainsi que Blaise Wada, un haut fonctionnaire.

3 ARRESTATIONS, UNE GARDE À VUE ET UN MANDAT D’ARRÊT INTERNATIONAL

Cette série de mise aux arrêts a débuté le 10 janvier avec l’audition de Magloire Ngambia, à la direction générale des recherches (DGR) de la gendarmerie nationale, qui s’est soldée, 48h après,  par une inculpation pour détournement de fonds avec mandat de dépôt à la maison d’arrêt de Libreville. L’ancien ministre de la promotion des investissements, des Transports, des Travaux publics, de l’habitat, du tourisme et de l’aménagement du territoire, n’était visiblement que le premier d’une longue liste. Dans les heures qui suivirent, Blaise Wada, responsable de l’aménagement des bassins versants de Libreville, le rejoignait  dans les geôles de la prison centrale pour les mêmes motifs.

Étienne Ngoubou, l’ancien ministre des hydrocarbures, écarté du gouvernement à la faveur d’un réaménagement technique le 09 janvier dernier, n’a pas tardé à les rejoindre.  Après avoir été entendu par les éléments de la DGR, il a été lui aussi écroué à la prison de Libreville, également pour des accusations de détournement de fonds.

Avec la garde à vue  de Juste Valère Okologo, directeur général de la Société nationale immobilière (SNI), et le mandat d’arrêt international délivré contre Alfred Mabika, l’ancien président-directeur général de Poste SA le 21 janvier, cette vaste opération semble atteindre son paroxysme.

DES SOUPÇONS DE RÈGLEMENTS DE COMPTES

Auprès des populations, cette vaste opération de « nettoyage » suscite de nombreuses réactions souvent positives. Certains y voient la fin de l’impunité des personnalités politiques et de certains cadres de l’administration publique, qui jusqu’à présent semblaient hors de portée de la justice. Dans un pays fortement marqué par le sceau des détournements de fonds, gabegie financière et la corruption, cette opération coup de poing, pourrait annoncer une nouvelle ère dans laquelle le denier public serait utilisé avec responsabilité.

Cependant, loin des applaudissements,  de nombreuses questions sont posées par certains Gabonais qui observent avec scepticisme les derniers événements. La  soudaineté de cette « chasse aux sorcières » à l’intérieur du pouvoir étonne. Curieusement, elle intervient  quand le Gabon est en proie à une crise socio-politico-économique sans précédent et alors que la popularité du président Ali Bongo semble être au plus bas.

Bien que «  la fin des privilèges » ait été  l’un des slogans de campagne de l’actuel président, réélu lors du scrutin controversé du 27 aout dernier, son application apparait aux yeux de nombreux Gabonais, plus comme tentative d’amadouer l’opinion qu’autre chose. Il s’agirait de rallier à sa politique quelques Gabonais, pendant la coupe d’Afrique des nations, qui se déroule actuellement dans le pays.

De plus, l’idée du coup de comm. est renforcée par l’absence de loi de  restructuration des différents organes de contrôles et d’audit de l’état notamment la Cour des comptes et Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (CNLCEI) qui permettraient à long terme de lutter efficacement contre l’enrichissement illicite et les détournements de fonds.

Sans oublier une application plus rigoureuse des textes légaux et réglementaires qui font obligation aux dépositaires d’une responsabilité publique d’effectuer une déclaration de patrimoine au moment de leur prise de fonction et quand il la quitte.

ALLER ENCORE PLUS LOIN !

Enfin, il est étonnant de constater que la justice gabonaise n’ait jamais utilisé le mécanisme de l’autosaisine pour enquêter dans des affaires présumées de malversations et de détournements rendus publics par des institutions ou des particuliers. On a en mémoire l’affaire des  multiples bâtiments, inscrits dans des budgets publics dont le taux d’exécution approchait les 100%, mais qui n’auraient jamais été construit et dont l’agence nationale des grands travaux (ANGT) était le maître d’ouvrage, dénoncé par l’économiste gabonais Mays Mouissi,  mais qui est passé sous silence.

Pour une plus grande transparence, n’aurait-il pas été plus utile de commanditer un audit sur le patrimoine des hautes personnalités et la provenance de leur fortune ? Cette dernière mesure aurait pour effet de viser directement de puissants « barrons » du système, véritablement considérés comme intouchables et écarterait l’hypothèse de règlement de compte entre les proches d’Ali Bongo, ou du « sacrifice » d’éléments de bas niveau de la hiérarchie comme le laissent entendre certains perplexes.

En sommes, les  arrestations de hautes personnalités gabonaises font encore de nombreux sceptiques qui espèrent cependant voir cette opération de grande envergure s’effectuer dans la durée et  voir adopter de véritables résolutions et textes légaux allant dans le sens de la transparence.

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