Dossier politique Gambie – Après avoir dirigé d’une main de fer son pays pendant 22 ans, Yahya Jammeh a quitté la Gambie le samedi 21 janvier 2017 pour un exil en Guinée équatoriale.
Ce départ fut négocié de haute lutte par le président Alpha Condé, président en exercice de l’Union Africaine et président de la République de Guinée. Il fut mandaté par ses pairs pour convaincre l’ex-président Yahya Jammeh qu’une passation pacifique du pouvoir était la seule issue acceptable.
En effet, après avoir reconnu sa défaite à l’élection présidentielle, face à Adama Barrow, l’ex-président Jammeh s’est ensuite rétracté, pointant du doigt des fraudes massives qui auraient rendu insincère le processus électoral.
Suite à des semaines de négociations, de volte-face et de menace d’invasion terrestre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Yahya Jammeh s’est résolu à quitter ses fonctions de chef de l’État moyennant des garanties.
Dans une déclaration conjointe de la CEDEAO, de l’Union africaine (UA) et de l’Organisation des Nations Unies (ONU), un point sur la situation politique en République islamique de Gambie fut fait.
Ainsi on apprit dans son alinéa 7 que les institutions évoquées plus haut, exhortent le gouvernement de la Gambie à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer et s’assurer qu’il n’y aura aucune intimidation, harcèlement et/ou chasse aux sorcières des anciens membres du régime et des partisans, conformément à la Constitution gambienne.
Et de continuer dans son alinéa 8, qu’elles s’engagent à collaborer avec le gouvernement de la Gambie pour empêcher la saisie des biens et propriétés appartenant légalement à l’ancien président Jammeh ou à sa famille et à ceux des anciens membres du régime, en vertu de la Constitution et d’autres lois de la Gambie.
Suite à cette déclaration, beaucoup ont cru qu’une amnistie générale venait d’être accordée au Président Yahya Jammeh et à ses affidés. Cette rumeur a tellement défrayé la chronique que le président de la Commission de la Cedeao, Marcel de Souza a dû monter au créneau pour clarifier les choses. Dans une interview à RFI (Radio France International) il affirma : « On n’a rien signé. Et on ne signera pas, dans la mesure où c’est seul le Parlement, c’est-à-dire l’Assemblée gambienne, qui peut accorder des amnisties, faire voter des lois, etc. L’ancien président peut être donc poursuivi si certaines preuves sont réunies contre lui. Toutefois, dans un effort de réconciliation nationale, il peut y avoir des concessions pour éviter une chasse aux sorcières. »
Les propos du président de la commission de la CEDAO sont relativement clairs. L’ex-président Jammeh n’a pas l’assurance de n’être jamais poursuivi. S’il consent à quitter le pouvoir, les institutions représentées feront en sorte qu’une relative clémence lui soit accordée afin qu’il n’y ait aucune entrave à la réconciliation nationale.
Ces garanties données au président Jammeh et les 4.000 soldats de la CEDEAO à ses frontières, prêts à le déloger par la force, ont convaincu l’ex-président qu’il ne pouvait se maintenir au pouvoir envers et contre tous. Il a pu quitter le pays avec sa collection de voitures de luxe et aurait même fait décaisser 50 millions de dollars de la banque centrale.
Une fois le départ en exil du président Jammeh, d’aucuns furent surpris par certaines déclarations du nouveau régime gambien.
Lors d’une conférence de presse, le ministre de la Justice, Abubacar Tambadou, a déclaré que l’ex-président Yahya Jammeh avait personnellement ou indirectement procédé au retrait illégal d’au moins 50 millions de dollars de la banque centrale de fonds appartenant à l’État. Ce retrait d’argent, considéré comme frauduleux, sera la raison qui poussera les autorités gambiennes à demander une décision de justice. Avec pour objectif de geler ou opérer une saisie sur les biens connus dans le pays du président Jammeh et les sociétés qui lui sont associées. Cette décision concerne 88 comptes bancaires au nom de Yahya Jammeh ou de ses associés ainsi que 14 sociétés qui lui sont liées.
Cette décision fut perçue comme un signal fort envoyé à l’ancien homme fort de Banjul. Elle montra en substance que le nouveau régime ne s’embarrassera pas de solder le passif du pouvoir déchu. Malgré une situation encore délicate, une crise économique et un véritable malaise avec son armée (dû à la présence des forces de la CEDEAO sur territoire gambien), Adama Barrow semble avoir comme priorité de solder ses comptes avec Yahya Jammeh.
Cette ambiance particulière a créé un malaise certain au sein des supporteurs de l’ancien pouvoir. Cette frustration a même dégénéré en échauffourées.
Ainsi le 2 juin, dans le sud du pays où se trouve Kanilaï, le village natal de l’ex-président Yahya Jammeh. La population a manifesté contre la présence des forces de la Cédéao déployées dans cette zone frontalière de la Casamance, mais surtout pour dénoncer une impression de suspicion d’Adama Barrow et des siens sur cette zone réputée pro-Jammeh.
Cette suspicion prend tout son sens quand le gouvernement actuel fait savoir que des tentatives de déstabilisation seraient conçues par les hommes de Yahya Jammeh pour reconquérir le pouvoir d’état.
Au regard de ces déclarations, on est en droit de se demander s’ils ne sont pas responsables de la situation actuelle. Sans vouloir passer par perte et profit les 22 ans de règne de Yayha Jammeh et son autocratisme pour ne pas dire régime dictatorial, il est surprenant de constater que tout est fait pour pousser un prédécesseur vers la sortie en lui promettant monts et merveilles et revenir sur ses engagements. Ce cas Jammeh comme celui de Charles Taylor hier (accueilli en exil au Nigéria, il sera ensuite livré à la Cour Pénale Internationale), résonnera dans la tête de tous les autocrates et autres dictateurs du continent comme un viatique pour s’accrocher à leur fauteuil, car aucune garantie ne sera suffisante pour leur assurer une vie paisible après la présidence.
Beaucoup pensent qu’il est plus judicieux de ne pas négocier et laisser la justice enquêter et trancher. Dans un monde idéal, la question ne se poserait même pas, sauf que la réalité est tout autre.
Le cas Jammeh nous pousse à nous poser la question sur le traitement accordé aux anciens hommes forts à la gestion des affaires atypique voir tragique. Faut-il leur assurer clémence et impunité pour qu’ils s’en aillent ou au contraire être intransigeants et courir le risque qu’ils s’accrochent au pouvoir ?
Auteur : Stéphane Worah.
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