Par Serge Maurice PAMBOU *
Une vive controverse vient d’opposer, au Gabon, le Porte-parole de l’Union nationale au directeur général de l’Economie et de la politique fiscale. En substance, le premier juge l’Etat gabonais en faillite ; le second conteste la pertinence d’une analyse qu’il estime erronée.
Cette controverse intervient dans un contexte marqué par le fort ralentissement de l’activité économique au Gabon et dans les pays dits de monoculture de production ; c’est-à-dire, ceux qui tirent l’essentiel de leurs revenus de la vente d’un petit nombre de matières premières à l’étranger.
Il faut dire que, malgré la dégradation de l’activité économique mondiale, l’Afrique avait su faire preuve de résilience jusque-là. Toutefois, le recul des cours des matières premières a mis en lumière les faiblesses de ces pays, d’une part ; ranimé, plus généralement, le débat sur le rôle des finances publiques dans l’activité économique, d’autre part.
En 2007, cette question s’est posée avec acuité et est revenue au centre des débats à la suite de la plus grave crise traversée par l’économie mondiale depuis 1929.
Pour résoudre cette crise, en effet, de nombreux pays se sont accordés sur la nécessité de relancer leurs économies par le biais d’une politique budgétaire expansionniste ; à l’instar des Etats-Unis et de la Chine[1].
Toutefois, ces politiques expansionnistes ont eu pour effet pervers d’accroître significativement les déficits budgétaires dans les pays concernés. De sorte que, dès 2010, la plupart de ces pays ont opté pour une stratégie de réduction de leurs déficits. Dans la zone euro, notamment, cela a conduit à la mise en œuvre de vastes plans d’austérité pour restaurer la confiance des investisseurs.
Néanmoins, les différentes politiques menées depuis lors suscitent encore plus de controverses.
D’abord, à la lumière du psychodrame hellénique, partisans et adversaires d’une politique budgétaire austère n’ont de cesse de s’affronter à l’aune de ce qu’il convient de faire pour favoriser une croissance économique durable.
Ensuite, sur un plan purement théorique, le rapport de la politique budgétaire à la croissance économique pose principalement le problème de la causalité de ce rapport. A cet égard, deux visions s’affrontent : la wagnérienne, d’un côté ; celle des nouvelles écoles keynésienne et classique, de l’autre.
L’école wagnérienne explique le recours au budget par une série de raisons de nature empirique. La première est que le développement économique génère des besoins que le seul marché ne peut satisfaire. Selon la seconde, les gains de productivité dans le secteur public sont quasi-inexistants. Troisièmement, des facteurs relevant de l’économie politique obligent les décideurs à orienter le fardeau de l’ajustement fiscal vers les générations futures.
Cette vision n’est pas partagée par les nouvelles écoles keynésienne (NEK) et classique (NEC) qui font des instruments de la politique budgétaire une variable explicative de la croissance économique.
A cet égard, selon les keynésiens, la faiblesse de la demande globale peut être compensée par les soldes publics pour soutenir l’activité économique en cas de récession ou de crise. Quant à la NEC, après l’avoir longtemps contestée, elle reconnaît trois fondements à l’utilité des politiques budgétaires dans une optique de moyen terme : elles participent à la régulation de l’accumulation du capital ; elles contribuent à résoudre des problèmes d’imperfection de l’information ; elles stimulent la productivité des facteurs de production privés.
L’essentiel des recherches sur la relation entre les dépenses publiques et la croissance s’est longtemps focalisé sur les pays avancés. Il faut attendre le début des années 1990 pour voir de nombreux articles s’appesantir sur les pays en développement, en général ; ceux de l’Asie du sud-est, en particulier.
Certes, tous les pays en développement ne sont pas logés à la même enseigne mais la situation économique des pays africains a longtemps contrasté avec celle des pays asiatiques. Néanmoins, au cours de la décennie écoulée, l’Afrique a fait preuve d’une étonnante résilience puisqu’elle a connu une croissance économique vigoureuse. C’est ainsi que le taux annuel moyen de croissance de la production réelle est passé à environ 5 % entre 2000 et 2010 ; contre 2,6 % entre 1990 et 2000[2].
Pour autant, les causes de ces performances ne font pas toujours consensus.
Ainsi, certains auteurs privilégient les causes d’origine externe comme la hausse conjuguée des cours des matières premières et du dollar, d’une part ; la diversification des partenaires économiques, notamment les pays émergents, d’autre part.
A l’inverse, d’autres auteurs insistent sur le rôle des politiques internes dans la détermination de la croissance observée dans les pays de la région : une meilleure gestion des finances publiques, une demande intérieure de plus en plus solvable ; ou encore un climat politique relativement stable.
Par ailleurs, la structure de l’appareil productif ne permet pas d’établir avec certitude le sens de la relation de causalité entre la politique budgétaire et la croissance économique, d’une part ; son caractère univoque ou biunivoque, d’autre part.
En effet, la giration marquée des cours des produits de base a une incidence sur la volatilité des recettes fiscales. Ce qui impacte fortement les soldes budgétaires et, comme on peut le voir ces derniers temps, la croissance économique de ces pays.
Ce papier se focalise sur les dépenses publiques, en raison de leur importance relative dans les pays en développement en règle générale et dans les PAZF en particulier.
C’est ainsi qu’elles apparaissent souvent comme un instrument majeur de la politique économique à cause des insuffisances de l’initiative privée, d’abord ; des carences en termes de services essentiels, ensuite. En outre, du fait d’importants volumes de capital initial nécessaires à leur mise en œuvre, certains secteurs sont perçus comme à haut risque. Aussi, l’Etat y est-il plus enclin à investir que le secteur privé. D’autant que le secteur financier est réputé incapable de répondre à la demande de projets de long terme.
En conséquence, les pouvoirs publics ont généralement un rôle économique et social très marqué dans les pays en développement. Dans de nombreux pays, en effet, le secteur public est le principal employeur et un acteur majeur de l’activité économique ; tout au moins avant la vague des privatisations des années 1990. Ce qui participe à l’accroissement significatif de la dépense publique. De plus, la politique budgétaire peut contribuer à réduire la pauvreté et les inégalités en finançant notamment les secteurs sociaux de base : l’éducation, la santé et la protection sociale.
Par ailleurs, plusieurs pays, parmi lesquels ceux de la Zone franc africaine, ne peuvent plus recourir à la création monétaire[3]. De même, ils sont tenus de maintenir leur dette à des niveaux raisonnables et leurs finances publiques en excédent ou, à tout le moins, en équilibre[4].
L’analyse du rapport des dépenses publiques à la croissance se fera à la lumière de l’expérience de quelques pays membres de la Zone franc, à l’instar desquels le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Côte d’Ivoire et le Niger.
En règle générale, l’analyse économique des pays africains de la zone franc se fait selon un découpage qui tient compte de l’appartenance à l’une ou l’autre des unions monétaires de la Zone[5].
Nous faisons plutôt un découpage fondé par les seules structures économiques des pays concernés. A cet égard, six (6) pays représentatifs de la Zone ont été choisis. Il s’agit en particulier des grands pays que sont le Cameroun et la Cote d’Ivoire, d’abord ; des pays pétroliers, représentés par le Congo et le Gabon, ensuite. enfin, le Burkina Faso et le Niger représentent les pays les plus pauvres ou enclavés de notre échantillon[6].
Au lieu de présenter une revue des dépenses publiques fondée par leur seul rapport à la création de richesse, nous avons aussi choisi d’analyser les différents types de dépenses en les rapportant aux recettes budgétaires.
Comme dans nombre d’études, l’évolution des dépenses publiques apparaît souvent haussière jusqu’au milieu des années 1990. On remarque également que l’essentiel des dépenses est absorbé par le fonctionnement de l’administration et par le service de la dette. Néanmoins, les dépenses d’investissement n’ont eu de cesse d’augmenter ; en particulier dans les pays les plus pauvres. De sorte que, à la fin des années 1990, elles représentent l’équivalent de 95 % des recettes budgétaires d’un pays comme le Burkina Faso. Ce qui laisse subodorer, si ce n’est une dette élevée, à tout le moins une part de dons beaucoup plus significative que dans les autres pays du champ de notre analyse.
De nombreux auteurs font des dépenses de fonctionnement une priorité en raison de leur forte sensibilité politique et sociale, d’une part ; leur influence supposée sur la demande des ménages, d’autre part.
Certains organismes internationaux rapportent ces dépenses aux recettes budgétaires. Une telle approche permet de mettre en évidence les marges de manœuvre pour mener à bien une politique économique donnée et financée sur ressources propres. Cet indicateur est dit de souveraineté budgétaire, l’ISB.
Ainsi, après avoir fortement progressé pendant deux décennies, à partir de 1970, ces dépenses connaissent une baisse considérable depuis une vingtaine d’années. Un infléchissement qui peut être expliqué par la réduction drastique du train de vie des Etats, à la suite des programmes d’ajustement structurels que connaissent tous ces pays au milieu des années 1990.
Dans les pays les moins avancés de l’échantillon, l’évolution de l’ISB apparaît certes relativement contrastée. En ce qui concerne le Burkina Faso (ancienne Haute Volta), le pic a été atteint dans les années 1970 ; avant de commencer à décroître continuellement. S’agissant du Niger, il faut attendre la période 1994-2000 pour voir cet indicateur baisser, lui aussi, significativement. Cette évolution montre à suffisance l’importance des dons pour ces économies.
Néanmoins, depuis le début du millénaire, ces deux pays semblent dégager des marges de manœuvre pour le financement d’autres types de dépenses ; quand bien-même ces marges seraient relativement faibles.
En ce qui les concerne, les pays pétroliers connaissent une situation différente dans la mesure où, la plupart du temps, leurs revenus autorisent le paiement des dépenses de fonctionnement ; tout en dégageant une marge de manœuvre substantielle.
Il existe cependant quelques disparités entre ces deux pays au profil quasi-identique. Ainsi, il y a toujours eu plus de quinze (15) et jusqu’à trente-cinq (35) points de différence au détriment du Congo. Un tel écart ne peut donc être imputé à la seule guerre civile qu’a connue le pays au milieu des années 1990.
par ailleurs, on remarquera que la souveraineté budgétaire est meilleure entre 1970 et 1980 et depuis le début du millénaire ; c’est-à-dire lorsque ces deux pays profitent des cours du dollar et du pétrole élevés.
Depuis le début des années 2000, le budget de fonctionnement représente désormais moins de 60 % du budget de l’Etat ; 31,2 % pour le Congo et 56,5 % pour le Gabon, en moyenne, ces cinq dernières années. Ce qui pourrait laisser penser que celui alloué à l’investissement y est de moins en moins marginal.
S’agissant des grandes économies de la Zone, elles se présentent avec une souveraineté relativement correcte.
Comme pour les pays pétroliers et les petites économies de la Zone, les dépenses courantes tendent à augmenter plus vite que les recettes budgétaires pendant une quinzaine d’années, entre 1980 et 1993. Au cours de cette période en effet, les recettes fiscales ont tendance à diminuer du fait de la baisse conjuguée des cours des matières premières et du dollar. Or, dans le même temps, les dépenses ne cessent d’augmenter.
A la suite de la dévaluation de 1994, on observe une diminution de l’ISB dans ces deux grandes économies. Toutefois, si la baisse est significative au Cameroun, elle l’est beaucoup moins en Côte d’Ivoire ; même lors de la dernière décennie. A la décharge de ce pays, l’économie y est fragilisée par la guerre civile[7]. Néanmoins, comme pour les autres économies de la Zone, la souveraineté budgétaire de ces pays tend à s’améliorer.
Il convient cependant d’admettre que le changement de comportement observé est dû en partie à l’attitude des autorités françaises. En effet, ces dernières obligent désormais les pays de la Zone à s’entendre d’abord avec les institutions de Bretton Woods pour espérer obtenir une aide de leur part[8].
Le deuxième volet des dépenses publiques concerne les investissements qui peuvent être une source de croissance [9]. Or, les PAZF ont d’énormes besoins dans les domaines des infrastructures de communication, de l’éducation et de la santé ; pour ne citer que ceux-là. On peut donc penser, a priori, que la part des dépenses dévolue aux investissements va être elle aussi haussière ; en tout cas, jusqu’au début des années 1990.
Pour analyser l’évolution de cette catégorie de dépenses, nous utilisons le ratio des dépenses d’investissement aux recettes budgétaires pour avoir une idée de la part de ces dernières destinées au financement du développement.
En une cinquantaine d’années, l’investissement public est souvent allé crescendo dans la quasi-totalité des pays de notre échantillon. Cependant, quelques différences se dessinent entre les différents groupes.
Ainsi en est-il du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, du Gabon et du Congo qui semblent suivre une même trajectoire. Celle-ci est influencée par l’orientation des cours des matières premières et du dollar. La fiscalité de ces pays étant essentiellement de porte, les recettes fiscales augmentent significativement à la suite des cours des produits de base. Dès lors, les investissements s’accroissent régulièrement à partir des années 1960 pour culminer dans la période 1970-1980, pour la Cote d’Ivoire et le Gabon, d’un côté ; entre 1980 et 1993 pour le Cameroun et le Congo, de l’autre.
A partir du milieu des années 1980, un double-choc exogène conjugué se fait ressentir sur les finances publiques de ces pays. En effet, le dollar commence sa lente dégringolade et, parallèlement, les matières premières se vendent moins bien. Ce qui a pour conséquence de réduire de façon drastique les dépenses d’investissement ; suivant en cela les rentrées d’argent moindres dans la seconde moitié des années 1980 et, certainement, la nécessaire rigueur budgétaire qui intervient au milieu des années 1990.
Quant au Burkina Faso et au Niger, ils connaissent une progression continue des investissements publics, en dépit d’une baisse sensible ces deux dernières décennies. Néanmoins, la part des investissements rapportés aux recettes budgétaires reste considérable puisqu’elle y est supérieure à 60 %. Ce qui peut s’expliquer par l’importance des dons, d’une part ; une moindre volatilité de leurs recettes fiscales, d’autre part.
Il reste que la nécessité de financer des dépenses d’investissement, conduit parfois les PAZF à s’endetter de façon excessive et à différer les paiements aux agents économiques.
Par ailleurs, au-delà même de leur mode de financement, se pose le problème de la qualité ou de la composition de ces dépenses. En effet, on pourrait s’attendre à ce que les capitaux publics servent à financer les constructions d’écoles, les hôpitaux ou les infrastructures de communication. Ce n’est pas toujours le cas.
Or, l’appartenance à la Zone franc réduit en principe le recours au financement monétaire des dépenses publiques. Une première possibilité a donc consisté à s’endetter ; jusqu’à ce que des critères de convergence soient élaborés à partir de 1994 dans l’Union monétaire Ouest africaine en particulier. Dès lors, en raison de l’étroitesse de l’assiette fiscale, les Etats n’ont souvent d’autre solution que d’accumuler des arriérés de paiements. Ce qui, à terme, peut être contre-productif pour l’économie et pénaliser le fonctionnement même de l’administration[10].
l’évolution de la dette des pays du champ semble suivre la même courbe que celles de leurs dépenses publiques.
C’est ainsi que, au cours des années 1960, l’endettement reste très modéré. Rapportée au PIB, la dette de ces pays est certes supérieure à celle de beaucoup d’autres pays africains au sud du Sahara. Toutefois, la charge de la dette – c’est-à-dire le service de la dette rapporté aux exportations – est nettement inférieure à celle de ces derniers.
A partir de 1970, et pendant les trois décennies qui suivent, cette situation se modifie considérablement. Ainsi, le ratio de la dette au PIB ne cesse de s’accroître et passe en moyenne de 18,7 % en 1970 à 97,7 % en 1992. quant au rapport du service de la dette au PIB, il est multiplié par quatre sur la même période[11].
En réalité, avec la bonne tenue des prix des matières premières et la hausse significative des cours du dollar, ces pays semblent présenter de solides garanties pour emprunter. Aussi, suivant en cela l’orientation des recettes fiscales, l’endettement tend-t-il à s’accroître puisqu’il est souvent multiplié par quatre en l’espace de deux décennies.
Cependant, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. A cet égard, en raison de leurs structures productives, les pays pétroliers et les grands pays semblent tirer le plus grand parti des conditions qui prévalent sur les marchés internationaux, d’une part ; de leur appartenance à la Zone franc, d’autre part.
Ainsi, durant la période 1990-2000 au cours de laquelle la dette rapportée au PIB est la plus élevée pour tous les pays du champ, le Cameroun et la Côte d’Ivoire se retrouvent respectivement avec un ratio de la dette au PIB de 98 et 170 %. les pays pétroliers connaissent la même trajectoire ; eux dont les ratios sont de l’ordre de 300 et 94 % pour le Congo et le Gabon respectivement. Quant aux pays sahéliens de la zone, leur dette est relativement moins élevée, à savoir : 48 et 90 % pour le Burkina Faso et le Niger.
Dès lors, l’évolution de la dette engendre une charge excessive pour les finances publiques de ces pays. Il en est ainsi du service de la dette qui représente près de 30 % des exportations du Burkina Faso et du Niger en 2002. cette charge est moins forte au Congo (22,4 %) et au Gabon (19 %). Dans les grands pays, ce rapport est de la même veine ; en tout cas pour la Côte d’Ivoire (20,4 %) et le Sénégal (23 %). Le Cameroun faisant quant à lui exception avec 28 %.
Toutefois, si on devait ramener le service de la dette aux exportations de ces pays, on se rendrait compte que le rapport est d’un à cinq pour les grands pays et les pays pétroliers ; contre un ratio d’un à deux pour les autres pays. Les derniers bénéficient, à bien des égards, de traitements de faveurs et entrent pour certains dans le cadre de l’initiative PPTE ; les pays pauvres très endettés.
Néanmoins, depuis le début des années 2000, la dette extérieure tend à diminuer significativement dans tous les pays de la Zone ; aucun des pays de notre échantillon n’atteignant les 70 % tels qu’arrêtés par les critères de convergence.
D’une manière générale, la situation des finances publiques laisse apparaître dès le milieu des années 80 une double évolution : d’un côté, une érosion parfois brutale des recettes fiscales ; de l’autre, une baisse moins que proportionnelle des dépenses publiques. Dès lors, et pendant une dizaine d’années, on assiste à une détérioration importante des soldes budgétaires.
Cette évolution des finances publiques intervient après celle survenue dans les économies occidentales à la suite des deux chocs pétroliers de 1973 et 1979. Au cours des années soixante-dix, les nombreux dysfonctionnements qui se font jour sont à l’origine d’une abondante littérature dont la principale caractéristique est souvent de remettre en cause les pratiques keynésiennes.
La taille des déficits et leur rémanence montrent à suffisance les difficultés auxquelles sont confrontés les pays africains de la Zone, dès le milieu des années quatre-vingt.
Pour autant, connaître ces aspects n’éclaire pas véritablement sur l’incidence qu’ils peuvent avoir sur la croissance économique de ces pays.
En règle générale, quand bien même ces relations peuvent être ambiguës, la littérature économique retient que les déficits sont porteurs d’effets d’éviction et contribuent par conséquent à ralentir la croissance.
A l’effet de tester cette relation pour les pays de notre champ d’investigation, nous avons eu recours à une régression linéaire simple. Il s’agissait pour nous de faire dépendre la croissance économique de variables économiques fondamentales telles que le taux d’inflation, le taux de change nominal, le taux de change réel ou encore la masse monétaire, la formation brute de capital fixe ou le crédit.
Dans tous les pays analysés, ni les dépenses publiques ni les déficits budgétaires ne sont significativement liés à la croissance économique. A contrario, les prix, le taux de change nominal, la formation brute de capital fixe, d’un côté ; le taux de change réel ou les termes de l’échange, de l’autre, sont des variables qui impactent positivement la croissance.
ce résultat infirme, dans tous les pays de notre échantillon, la vision largement répandue selon laquelle les déficits ou les dépenses publiques tendent à obérer la croissance.
Alors que la situation économique de nombre de pays s’est singulièrement dégradée, d’aucuns tendent à remettre en cause les arbitrages opérés ces derniers temps par les pouvoirs publics.
Les controverses qui se font jour ces derniers temps ne sont pas nouvelles et posent certes la question de la causalité entre les dépenses publiques et la croissance économique. Néanmoins, plus que le volume de ces dépenses, il se pose en creux le problème de leur efficacité.
En effet, si la souveraineté budgétaire des pays du champ s’est améliorée depuis une cinquantaine d’années, l’augmentation de la part des investissements dans les dépenses publiques qui s’est ensuivie, tarde encore à porter ses fruits. De sorte que, dans les pays qui se caractérisent par une monoculture de production, la mévente de leurs principales matières premières a conduit à des crises drastiques ou à un ralentissement sévère de l’activité économique. Ce qui veut dire que les économies ne se sont pas encore diversifiées suffisamment.
Dans le même ordre d’idées, le chômage des jeunes y est très élevé, le système de santé inefficient et la formation laisse à désirer. Ce qui pose clairement le problème de l’efficacité des dépenses publiques. Un comble, quand on sait que depuis plus de sept ans, ces pays se sont engagés, avec l’adoption des lois organiques des lois de finances, sur la voie du nouveau management public qui est fondé par le triptyque : efficience, efficacité et économie.
Il sera toujours temps de revenir sur ces questions lors de prochaines tribunes.
= = = = = = =
[1] Les Etats-Unis ont mis en œuvre un plan de relance de leur système financier de sept cent quatre-vingt-sept (787) milliards de dollars. La Chine, quant à elle, a eu recours à quelques cinq cent (500) milliards de dollars américains.
[2] Selon les dernières statistiques du Fonds monétaire international, le taux de croissance moyen entre 2010 et 2015 est de 5 %. Source : Perspectives économiques régionales de l’Afrique subsaharienne (2016).
[3] De nombreux auteurs estiment, en effet, que le recours à la création monétaire est faible ; LELART [1999], HADJIMICHAEL et GALY [1997]. C’est un avis que PAMBOU [2004] ne partage pas car plusieurs pays de la Zone ont souvent tiré au-delà des 20 % des recettes fiscales antérieurs réglementaires.
[4] Le solde budgétaire de base, hors dons, doit être positif ou nul et le taux d’endettement ne doit pas dépasser les 70 % du PIB, aux fins d’éviter le franchissement des seuils de soutenabilité de leurs dettes et de possibles effets d’éviction.
[5] L’Union économique et monétaire ouest-africaine, d’une part ; l’Union monétaire d’Afrique centrale, l’UMAC, d’autre part.
[6] Le Cameroun et la Côte d’Ivoire représentent chacun 34,5 et 35,3 % du PIB réel de la CEMAC et de l’UEMOA, respectivement. En ce qui les concerne, le Gabon et le Congo pèsent 19,1 et 13,6 % du PIB réel de la CEMAC. S’agissant du Burkina Faso et du Niger, ils participent à concurrence de 13,3 et 8,2 % à la création de la richesse réelle dans l’UEMOA.
[7] Ces cinq dernières années on observe même une augmentation de l’ISB, beaucoup plus significative au Cameroun ; puisqu’elle passe à 77 %, contre 91,5 % en Côte d’Ivoire. Une performance qu’il convient certainement de rapporter à celle du Congo qui, comme la Côte d’Ivoire a connu la guerre civile : entre 1994 et 2000, pour le premier ; entre 2000 et 2011, pour le second.
[8] Ce changement notoire dans la politique africaine de la France intervient en septembre 1993 ; Rapport annuel de la Zone franc [1994].
[9] Cf. section III consacrée à la revue de la littérature.
[10] En Centrafrique, par exemple, il est arrivé que les fonctionnaires ne soient pas payés pendant de longs mois ; si ce n’est plus d’une année.
[11] Zone franc [1993], Rapport annuel, p. 42.
* Serge Maurice Pambou est Docteur en Sciences économiques de l’Université Montpellier 1. Macroéconomiste, il est enseigne au département d’économie de la Faculté de droit et des sciences économiques de l’université de Libreville. Il a successivement été Conseiller du ministre au ministère gabonais de l’Economie et de la prospective puis Directeur de cabinet du ministre gabonais de la prévoyance sociale et de la solidarité nationale. Depuis mars 2014, Serge Maurice Pambou est Consultant prévention et gestion des conflits.
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